Nora (Gentbrugge, 2000), Laurice & Nora (Gentbrugge, 2010), Nora (Gentbrugge, 2016)

© Mekhitar Garabedian

"Le traumatisme suscité par la catastrophe de 1915 continue aujourd'hui encore de déterminer et de hanter les communautés arméniennes à travers le monde. Cette hantise se manifeste sous une forme politico-historique, mais elle peut aussi remonter de manière proustienne, comme un souvenir personnel que vous pensiez avoir oublié et qui refait soudain surface." Mekhitar Garabedian, 2018. 

Dans ces trois scènes de l'artiste Mekhitar Garabedian, on voit sa mère, Nora Garabedian, et sa grand-mère, Laurice Karaguezian, préparer un plat ottoman, des sarmas. La préparation de ce mets typique n'est pas une sinécure. Farcir et rouler les feuilles de vigne implique des heures de travail autour de la table, une tâche généralement réservée aux femmes. Tout en préparant ce plat traditionnel de leur culture, sa mère regarde les chaînes télévisées flamandes. Dans ces moments, le salon gantois de la famille Karaguezian-Garabedian est chargé de toute l’ambivalence des expériences de la migration.

Les trois scènes sont un condensé de seize années d'enregistrements réalisés par Mekhitar Garabedian dans trois formats vidéo différents: Hi-8, DVCAM et HD. S'inspirant de l'œuvre de la cinéaste Chantal Akerman, Garabedian illustre la perpétuation des traditions et comment, venues du passé, elles constituent aujourd'hui des repères et un refuge par leur caractère familier. Montrer la vie quotidienne de sa mère et de sa grand-mère ainsi que l'aspect intergénérationnel de leurs vies est très important pour l'artiste. Dans cette œuvre, il évoque les différentes expériences migratoires vécues par sa famille. Garabedian veut comprendre comment le passé éclaire le présent: ce que sa famille a laissé derrière elle mais aussi les vestiges de son ancienne vie, culturels, linguistiques et culinaires, qu'elle a emportés avec elle.