Stukjes Stukjes en dingen, Dingen Dingen en stukjes / Territoire confetti

Installation view Musée Dhondt-Dhaenens, 2021, in the context of Blindsight – Manon de Boer in dialogue with Latifa Laâbissi and Laszlo Umbreit. Photo: Joëlle Tuerlinckx

Territoire confetti (1993-...) est un protocole pour un geste sculptural, qui fait coexister chance et détermination. Il s’agit de produire des confettis avec une perforatrice de table en utilisant des papiers trouvés et/ou choisis dans le lieu d’exposition, comme le catalogue, le poster, le guide du/de la visiteur.euse ou tout autre support de communication. Il peut également s’agir des archives de l’institution ou de la galerie ou bien simplement ce qui se trouve déjà dans les perforatrices des bureaux. Les confettis ainsi produits ou récoltés sont exposés directement au sol. Les confettis peuvent prendre des formes distinctes plus ou moins espacées dans une ou plusieurs salles d’exposition. La disposition des confettis part généralement d’une idée d’objet et prend dès lors souvent un aspect géométrique. Néanmoins, quand la pièce est réalisée par une autre personne que l’artiste, Tuerlinckx ne donne pas d’indications précises à cet égard. L’installation, qui dépend forcément du contexte d’exposition, est extrêmement fragile. Il est possible de refaire la ou les formes chaque soir ou bien de laisser advenir l’entropie naturelle de l’œuvre. Enfin, le matériel perforé peut être exposé dans la même salle que les formes de confetti ou ailleurs dans le bâtiment. Exceptionnellement, les formes de confetti sont exposées sans le matériel perforé et inversement.

Territoire confetti témoigne de la relation essentielle de l’objet à l’espace et au mouvement. C’est le mouvement dans l’espace qui nous permet de découvrir différents points de vue, de faire différentes expériences. C’est aussi lui qui permet à l’œuvre d’exister mais aussi de disparaître. Le geste de perforation au cœur de cette œuvre est récurrent dans le travail de l’artiste, non seulement dans des supports papier mais aussi dans l’architecture des lieux où elle expose, voire dans l’espace public. Il s’agit à chaque fois d’une manière d’interrompre et de défier la continuité, la permanence, l’autorité. Dans le cas présent, c’est le support du discours ou de l’histoire officielle de l’institution que l’artiste réinvente en un outil de fête.

L’origine de la pièce remonte au début des années 1990. Chris Dercon, marqué par sa rencontre avec Joëlle Tuerlinckx à l’occasion de son exposition en 1993 dans les Antichambres du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles où elle présente une pièce très fragile qui se voit rapidement détruite, l’invite à prendre part à l’exposition collective WATT au Witte de With à Rotterdam l’année suivante. Suite à ses échanges avec Dercon autour du caractère alors accidentellement éphémère de son œuvre au Palais des Beaux-Arts et inspirée par le Carnaval qui a lieu au même moment à Rotterdam, Joëlle Tuerlinckx imagine une œuvre sous forme de confettis. L’exposition WATT prenant place dans deux lieux – la Kunsthalle de Rotterdam et le Witte de With – elle crée deux versions de la pièce : l’une avec de véritables confettis, identiques à ceux jetés dans les rues durant la fête, l’autre avec les restes des perforatrices de table. Il s’agit de la première occurrence de cette œuvre, qu’elle rejoue quelques mois plus tard à l’occasion de son exposition solo au Witte de With, intitulée « pas d’histoire, pas d’histoire ». Depuis la pièce a été réactivée dans le cadre de plusieurs expositions.

Installation view Musée Dhondt-Dhaenens, 2021, in the context of Blindsight – Manon de Boer in dialogue with Latifa Laâbissi and Laszlo Umbreit. Photo: Joëlle Tuerlinckx