Migraines

"La science a trop longtemps porté le privilège de raconter l’histoire des corps malades et les médecins de porter la voix des malades." Laurie Charles dans sa recherche Récits pluriels de la maladie – outils d’émancipation narratifs et artistiques, PDR-FRArt, 2023.

En 2016, on diagnostique une maladie auto-immune à Laurie Charles. Les multiples examens et imageries médicales qui s’ensuivent lui apprennent à connaître son corps de très près. Cela a un grand impact sur elle et fait dès lors du corps humain et de la manière dont on l’examine et le représente depuis le Moyen-Âge l’un des principaux thèmes de son œuvre.

Migraines se compose de deux pans de tissu. Ils se distinguent par leurs tons et motifs coquelicot (violet), des éléments récurrents dans son œuvre, et par leurs nombreuses références historiques et symboliques. Les silhouettes sont des images proches de la taille réelle du corps de Laurie Charles. La première pièce le montre avec ses organes en tant que zone géographique, à l’instar des représentations médiévales ou du body mapping (cartographie corporelle) des pratiques holistiques contemporaines. Sur la seconde pièce, les organes sont retirés du corps et posés à côté de lui, une référence au terme de "corps sans organes" de l’artiste Antonin Artaud (1947) ainsi qu’aux propres traumatismes de Laurie Charles. Les formes anatomiques, les cycles lunaires et les mains sont des motifs fréquents dans son travail, de même que les pilules et les cuillères. Celles-ci font référence à la médication et à The Spoon Theory* (2003), un essai de Christine Miserandino à propos de personnes atteintes de maladies chroniques et de leur niveau d’énergie. Avec Migraines, l’artiste se réapproprie son corps, loin du langage scientifique et des normes imposées.

* Dans The Spoon Theory ou théorie de la cuillère, celle-ci fait office de métaphore pour décrire l’énergie physique et mentale dont une personne vivant avec une maladie chronique dispose.