The Missing Link. Dicolonisation Education by Mrs Smiling Stone
The Missing Link. Dicolonisation Education by Mrs Smiling Stone (2017) est une installation à grande échelle commanditée pour la documenta 14 de Kassel et Athènes. L'œuvre est composée de nombreux objets, dont des bureaux et des tables d'école, des dessins sur papier transparent, des photographies, des enregistrements sonores et des vidéos autour desquels le public peut librement déambuler.
Les élèves à l’origine des cahiers présentés sur ces tables ont été invités à dessiner et à écrire leur ressenti envers les documents d’archive. Dans le cadre de cette fouille collective, ils ont évoqué l’importance d’objets historiques et d’archives comme « Le Code Noir », un édit français établissant les règles de l’esclavage, promulgué par le roi Louis XIV en 1685. Ce travail de réflexion collaborative a révélé l’importance de repenser la construction de l’histoire humaine d’un point de vue global. Les créations produites au cours de ces ateliers révèlent une nouvelle forme de récit contre les dogmes de l’esclavage, de la discrimination et de l’idéologie raciale.
Gbaguidi a également collaboré avec la Münchner Stadtmuseum, qui lui a prêté des caricatures ethniques de sa collection de marionnettes et avec différents musées de Kassel auxquels elle a emprunté des tessons de céramique et des jouets en bois. Dans le cadre de ses recherches, elle a également utilisé des dessins et des frottages d’os d’animaux du Musée Hector Pieterson à Johannesburg et puisé dans les archives photographiques de Peter Magubane.
L'œuvre résulte d'ateliers collaboratifs organisés par l'artiste avec un groupe d'élèves de Kassel. Depuis sa première présentation en 2017, l'installation ou des parties de celle-ci ont été exposées lors de l'exposition « Congoville » au Musée de Middelheim (2021) et « BXL UNIVERSEL II : multi.plicity » à La Centrale Bruxelles (2021). Chaque itération de la pièce rassemble du matériel issu d'archives locales et des éléments résultant de nouveaux ateliers réalisés avec des jeunes du quartier.
Les photographies visibles dans cette installation appartiennent aux collections du Musée royal de l’Afrique centrale, à Tervuren. Elles témoignent de l’éducation à l’époque coloniale du Congo belge, au cours de laquelle des missionnaires occupaient des positions hiérarchiques. Elles font écho à l’une des vidéos montrant la propagande coloniale enseignée à l’université d’Anvers, ancien établissement colonial, actif de 1920 à 1962. La vidéo Relink est un collage de plusieurs archives de performances et de vidéos provenant de sites historiques de colonisation comme le Berceau de l’Humanité près de Johannesburg et Delphes en Grèce.
The Missing Link, la plus grande œuvre de l'artiste à ce jour, englobe tous les thèmes caractéristiques de son travail.
Gbaguidi se définit comme un « griot » contemporain qui agit en tant qu'intermédiaire entre la mémoire individuelle et le passé ancestral. Son travail retranscrit les traumatismes et les souvenirs collectifs du colonialisme et du postcolonialisme dans un langage artistique. Elle attire l'attention sur la manière dont les séquelles de l'oppression sont occultées dans les histoires officielles - et donc perpétuées. Sa pratique vise à désamorcer le processus d'oubli en recontextualisant les archives et les histoires. Dans The Missing Link, Gbaguidi examine le rôle déterminant que joue l'éducation dans le renversement des récits historiques existants en confrontant et en interprétant des archives. Le titre fait référence au rôle que joue l'artiste dans le processus de changement systémique. L'artiste incarne un « chaînon manquant » et mène une réflexion poétique sur l'impact des traumatismes passés.
L'œuvre fut inspirée par une visite au Cradle of Humankind, un site classé près de Johannesburg où des élèves noir.e.s ont lancé une série de protestations contre l'apartheid en 1976. Leur manifestation a déclenché une réflexion sur les déficiences du système éducatif. « Mrs Smiling Stone » est donc une figure fictive qui symbolise une nouvelle ère en matière d'éducation et d'enseignement.
La connaissance collective est incarnée dans cette œuvre par les pupitres et les cahiers d'école sur lesquels les élèves ont écrit et dessiné ensemble. Si l'utilisation du papier calque appelle à la transparence, les dessins colorés réalisés à partir de crayons et de rouge à lèvres sont la matérialisation d'un processus de guérison que l'artiste entreprend tout au long de sa pratique. Ces dessins sont l'expression vive des émotions primaires des enfants.