one, two, many
Réalisé pour documenta (13) en 2012, le film one, two, many est composé de trois performances: un morceau de flûte traversière joué avec une respiration continue, un monologue parlé, et une chanson entonnée par quatre chanteurs devant un public. Les trois performances sont reliées par les thèmes centraux du corps et de l’écoute. Chaque partie traite à sa façon de l’espace existentiel de la voix, un thème récurrent dans d’autres œuvres, notamment Blindsight qui appartient également à la collection de KANAL.
La première partie - One - se concentre sur le souffle puissant du flûtiste Michael Schmid qui interprète une pièce d’Istvàn Matus. La respiration s’y transmue en note. La deuxième partie - Two - ouvre au multiple, suggéré par la description en voix off du cours de Roland Barthes consacré à « comment vivre ensemble ». La description s’attache en particulier à la voix du philosophe français. La dernière partie - Many - figure un ensemble d’auditeur.ice.s qui écoutent les interprètes des Tre canti popolari de Giacinto Scelsi, morceau tout en stridences et en onomatopées.
C’est dans cette œuvre que Manon de Boer aborde pour la première fois la notion d'« idiorrythmie » que Roland Barthes décrit dans « Comment vivre ensemble », son premier cours au Collège de France, donné de janvier à mai 1977. Par ce néologisme, il désigne le fait que chaque individu d’une communauté peut vivre à son propre rythme. L’idiorrythmie suppose ainsi une tension entre l’individu et la communauté, entre la solitude et la sociabilité. De Boer reprend cette conception personnelle du temps dans d’autres œuvres mais s’interroge aussi sur son propre rythme en tant qu’artiste.