It Never Ends – Sylvie Fleury
L’artiste suisse, actrice majeure sur la scène internationale depuis les années 90, n’a de cesse d’hybrider les univers de l’art, de la mode et des contre-cultures dans une oeuvre fascinante et en constant renouvellement. Pour It Never Ends, elle présente un immense champignon en résine dorée, qui rayonne dans l’espace brut du niveau 2 du Showroom de KANAL.
En 1954, John Cage écrivait « J’en suis venu à la conclusion que l’on peut apprendre beaucoup sur la musique en se consacrant aux champignons ». Il en est certainement de même pour la sculpture. C’est peut-être ce que pense Sylvie Fleury. Arrivant dans le monde de l’art au début des années '90, en déposant dans une galerie de Lausanne ses shopping bags (sacs de boutiques branchées pleins d'achats effectués par l’artiste, devenant une pièce ready-made), l’artiste, incontournable et inclassable de la scène suisse, n’a depuis cessé de mettre en relation l’art et ce qui lui est extérieur, quotidien, la sculpture et la mode, le high art et les sous-cultures.
Des Cuddly paintings, tableaux abstraits en fausse fourrure colorée aux First Spaceships on Venus, fusées peintes aux couleurs de vernis à ongles et qui diffusent des morceaux de rock de girls bands, en passant par les slogans de marques de luxe devenant des statements, son œuvre est une manière de détourner et de s’approprier, non sans ironie mais toujours avec une très grande efficacité visuelle, les icônes (masculines) de la modernité artistique (Abstraction géométrique du début du 20ème siècle, Minimalistes et Conceptuels américains…), tout en y incorporant ce qui nourrit par ailleurs son travail, à savoir son intérêt pour certaines sous-cultures.
Déjà présente dans It Never Ends part. 1 avec Shoe shine (1991), sculpture toute faite à partir d’un objet utilitaire servant initialement à en faire briller d’autres (en l’occurrence des chaussures), Sylvie Fleury présente, dans la cadre de la deuxième partie de l’exposition conçue par John M Armleder, une œuvre cette fois-ci monumentale : un champignon en résine de plus de deux mètres de haut. Recouvert d’une peinture de carrosserie dorée aux reflets spectaculaires et effets optiques changeants, typiques des peintures employées dans le monde du tuning automobile, Mushroom Autowave Rich-Gold Petzold silber F14 associe, à un motif issu de la nature, l’apparente impersonnalité d’une production industrielle en série.
Surdimensionné, orné de couleurs fascinantes, installé comme une apparition dans l’espace brut du Showroom, le champignon renvoie aux cultures populaires, entre féerie et magie, rêve et folklore. A l’obsession de la finition, des surfaces polies propres à l’art Pop et Minimal des années 1960, il connecte les visions obtenues par l’ingestion de champignons hallucinogènes, dans le contexte de la révolution psychédéliques, du développement de la culture hippie puis New Age qui suivit, dont John Cage peut être considéré comme l’un des parents. Lorsqu’il marchait dans les sous-bois autour de chez lui, le compositeur américain, auquel Sylvie Fleury semble faire référence dans cette œuvre, imaginait des compositions silencieuses pour arbres, animaux et champignons : une autre manière d’imaginer de visiter une exposition, peuplée, comme dans un conte, de champignons immenses, d’arbres qui poussent au plafond…